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@france@jlai.lu Le livre-marchandise, un danger écologique https://www.monde-diplomatique.fr/2024/10/LECOEUVRE/67665

"Pour capter la moindre part de marché, les premiers inondent ainsi les libraires de titres, quitte à générer beaucoup d’invendus. Les retours effectués par les libraires sont, pour une petite part, réintégrés dans les dépôts des distributeurs, qui en renvoient eux-mêmes certains aux éditeurs (en fonction de l’accord contracté), et ceux restants sont « mis au pilon », selon le jargon de la profession. Ils sont alors récupérés par des entreprises de recyclage, et finissent brûlés ou transformés en pâte à papier pour devenir en grande partie du papier hygiénique ou des cartons d’emballage de pizzas. Cela ne coûte quasiment rien aux maisons d’édition, contrairement à la conservation des livres, qui demande tri, manutention, conditionnement, entreposage et frais de stockage."

Maintenant je m'imagine m'essuyer avec du Marc Levy.

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[–] contrefeu@akko.contref.eu 2 points 3 days ago (1 children)

@france@jlai.lu Depuis les années 2000, les papeteries françaises qui produisaient du papier graphique ont fermé les unes après les autres ou se sont converties à la production d’emballage et de carton pour répondre à la demande croissante de la vente en ligne. Produire du carton pour Amazon s’avère plus rentable que de fabriquer du papier pour l’édition. En septembre 2023, Lecta a fermé sa ligne de papier graphique sur le site de Condat en Dordogne, entraînant le licenciement de 187 salariés, sans compter les 26 d’une entreprise de sous-traitance. « Notre machine numéro 4 était la dernière qui fabriquait du papier couché deux faces en France », précise M. Philippe Delord, délégué Confédération générale du travail (CGT) à Condat. En dépit de ces fermetures, Lecta a bénéficié de 14 millions d’euros de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour améliorer son rendement en construisant une chaudière à biomasse qui brûlera des déchets apportés par le groupe de recyclage Paprec.

La région Nouvelle-Aquitaine a, elle, prêté à taux zéro 19 millions d’euros en 2020 pour transformer la dernière machine de l’entreprise : « La machine numéro 8 sur laquelle je travaille maintenant produit de la glassine, le papier ciré et translucide utilisé comme support pour les étiquettes autocollantes. Avant, elle faisait du papier couché de très faible grammage. Ils ont eu une aide de 33 millions et, en contrepartie, ils se sont pourtant permis de licencier. » Une demande de remboursement de la part de la région est en cours. Les papetiers ont par ailleurs tous installé des chaudières à biomasse et bénéficié d’aides de l’État en soutien à la transition énergétique.

Si la composition des papiers fut à l’origine de nombreuses dérives dès la fin du XIXe siècle, elle s’est nettement améliorée : « Dès 1860, l’usage du bois devient massif, raconte M. Olivier Piffault, directeur de la conservation de la BNF. On broie les fibres, mais surtout on les sature de colle et d’adjuvants (du kaolin, de l’amiante…). Les papiers produits entre 1870 et 1970 environ donnent ce qu’on appelle les papiers acides. En vieillissant, ces papiers changent de couleur et deviennent cassants. Ils se déchirent, se fragmentent. Certains comme ceux des Folio ne tenaient même pas dix ans. Après 1980, des normes sont apparues pour exclure les éléments agressifs. Depuis trente ans, on utilise de plus en plus des azurants optiques pour blanchir le papier. Pour l’instant, on n’observe pas d’effets sur la structure. »

Plusieurs outils permettent aux acheteurs de savoir comment a été fabriqué le papier, avec quelles émissions de gaz à effet de serre et pour quelle quantité d’énergie. L’association Environmental Paper Network permet par exemple de calculer l’impact environnemental de n’importe quel papier. Chaque papetier peut aussi faire une déclaration sur la composition de son produit, l’énergie nécessaire à sa fabrication… Mais, au sein des maisons d’édition, nombreux sont les responsables de fabrication qui ne se renseignent pas à ce sujet. En outre, de très nombreuses structures n’achètent pas directement leur papier. Elles laissent ce travail aux imprimeurs, pour des raisons de temps, de négociation et donc de coûts.

Le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, voté par l’Union européenne en mai 2023, vise à interdire tout produit ayant contribué à la dégradation des forêts après le 30 décembre 2020 (11). Il faudrait pour cela identifier précisément la parcelle dont est issu tout arbre transformé, et donc aussi toute fibre de papier. Si cela permettrait de mieux tracer les produits issus des forêts, certains acteurs le perçoivent comme un cauchemar. Et la plupart des papetiers s’y opposent… « Avec ce règlement, les gros éditeurs demandent à leurs fournisseurs l’origine de leurs produits et ça va profiter aux petits, comme nous, parce que les imprimeurs vont être obligés de mettre en place des outils. Ils ne pourront plus répondre qu’ils ne savent pas », se réjouit M. Mathias Echenay, éditeur de La Volte, membre de la commission environnement du SNE.

[–] contrefeu@akko.contref.eu 3 points 3 days ago

@france@jlai.lu Au vu des difficultés à « produire sans nuisance », on pense recyclage. Mais le papier recyclé n’est pas très aimé dans l’édition. Seulement 1 % des livres en contenaient en 2022, contre 3 % en 2012 ! Il fait l’objet de réticences surprenantes. La première est que les lecteurs et les lectrices le trouveraient moins beau. On prétexte aussi une difficulté pour obtenir certaines couleurs pour les livres illustrés — cela nécessiterait un travail plus important. Un troisième argument affirme qu’il durerait moins longtemps : le procédé casserait les fibres qui le composent. On estime toutefois qu’il est possible de le recycler sept fois et qu’il durerait au minimum cinquante ans — tandis que ceux fabriqués après-guerre seraient décomposés en moins de vingt ans… Selon des analyses de cycle de vie menées par l’Ademe (12), le recyclage permet en réalité une économie de 4 521 kilowattheures d’énergie par tonne de papier et carton, et une réduction non négligeable de l’usage des sols ou de l’eutrophisation de l’eau douce et marine. Si le circuit de recyclage utilise des quantités importantes d’énergie et émet des gaz à effet de serre, il évite tout de même 84 kilogrammes équivalents CO2 par tonne de papier-carton produite par rapport à la fibre vierge.

Les éditeurs disent qu’il y a pénurie, et que le papier recyclé est de ce fait plus cher. Les producteurs rétorquent qu’il n’y a pas de demande. Des usines ont fermé, à l’image de l’immense site de Chapelle Darblay, qui produisait du papier journal 100 % recyclé jusqu’en 2020. Pourtant il y a de la matière. Le gisement de papiers et cartons récupérés était de 6 584 kilotonnes (kt) en 2022, mais à peine 512 kt ont été convertis en papier graphique, le reste servant pour les emballages et le papier hygiénique (13).

Cela peut surprendre, mais les diverses lois passées en 2015, 2020 et 2023 pour la transition énergétique et pour l’économie circulaire ne s’appliquent pas au livre. Cela signifie que les éditeurs ne paient pas d’écocontribution et que les livres ne sont pas triés par les collectivités. Le volume jeté n’est pas non plus mesuré. Ce qui rend impossible une quantification réelle. « Le livre s’achète, se transmet, on le revend d’occasion. Il ne se jette pas. Et si, d’aventure, il est trop usé pour être encore lu et qu’il doit être jeté, il y a la poubelle pour cela. » Voilà comment M. Pascal Lenoir, président de la commission environnement et fabrication du SNE, traitait la question en 2017 (14).

Surprenantes réticences

Pourtant, on jette aussi les livres. En dehors du pilon, les gens vident leurs étagères, les bibliothèques ayant une place limitée. Des acteurs comme Emmaüs ou Recyclivre indiquent par exemple devoir jeter respectivement 85 % et 50 % des livres qu’ils récupèrent. Le WWF estime que jusqu’à 63 000 tonnes de livres sont jetées dans les poubelles en France et que, en intégrant le pilon, jusqu’à 170 000 tonnes pourraient être recyclées (15).

Enfin, certains imaginaient que le numérique apporterait des solutions. C’est tout le contraire. De manière générale, les coûts cachés et les nuisances des écrans sont toujours plus importants (16). Il en va ainsi lorsque l’on compare le livre papier avec une liseuse, pourtant bien moins énergivore qu’une tablette ou un micro-ordinateur. Des équipes de recherche ont réalisé des analyses de cycle de vie. Leurs résultats diffèrent, mais plusieurs concluent qu’une liseuse ne devient plus vertueuse qu’à partir de quarante ouvrages par an, ce qui concerne peu de lecteurs (17).

Les grands acteurs de la filière n’hésitent pas à brandir l’exception culturelle pour défendre leur marché contre toute obligation de transparence. Mais, quand on les titille sur leurs pratiques, ils préfèrent ne pas répondre. Que penser d’une industrie qui refuse de communiquer sur ses pratiques, tout en jouant de ses relations pour échapper à des réglementations plus sévères ?